09/09/2022
L’anorexie serait-elle la maladie infantile des adolescentes victimes du harcelement dans le milieu scolaire. Quel est le point de bascule dans leur vie, la ou plus rien ne compte a l’exception de la dictature des lignes pures ? Dans un ouvrage lance cette semaine, la doctoresse Pouvani Devi Cudian livre un temoignant bouleversant d’un cas aux apparences fictives, certes, mais qui a le merite de cerner le defi pathologique de l’anorexie chez une jeune collegienne d’une star college de Maurice. Le titre de l’ouvrage « Miroir Miroir. Est-ce bien moi ? » suit pas a pas ce traumatisme qui la conduira dans un centre psychiatrique.
« Toutes les filles cool ou populaires de la classe profitaient de ce moment pour etaler leurs corps parfaits dans leur short et debardeur tandis que je faisais de mon mieux pour cacher mes imperfections avec mon tee-shirt surdimensionne et mon jogging. » Cela se passe dans un college huppe de l’ile, a l’heure de l’education physique, ce moment de ‘verite’ ou les collegiennes se livrent au regard examinateur de leurs copines. Personne n’y echappe, meme dans un college qui a pour vocation de former l’elite feminine de Maurice. Lisa veut y faire partie et devenir medecin comme son frere. Une profession digne des elites, comme celle des avocats ou les parents sont fiers de pouvoir dire a la cantonade que leurs enfants ont un statut. Mais la ‘rat race’ a parfois ses rates.
Agressive et antisociale
Au depart, Lisa est une jeune fille comme les autres, avec une envie totalement liberee de manger mais elle finit par decouvrir qu’elle a pris des kilos dont il faut absolument se debarrasser. La solution c’est de ne plus rien manger. La voila donc en therapie, sous la contrainte de ses parents, chez un medecin qu’elle considere ‘fou’. Lisa ne se rend pas compte que dans sa quete de maigrir, elle tend dangereusement vers l’anorexie. Et puis, elle est devenue agressive et antisociale.
Jusqu’a present, elle avait tout fait pour plaire a ses parents dans sa « quete pour etre la parfaite petite fille ». « J’etais devenue obsedee avec mon poids que je croyais etre la seule chose sous controle. Les lecons particulieres interminables pendant la semaine et les cours supplementaires les weekends pour me distinguer au niveau academique ne valaient-ils rien a leurs yeux ? », se demanda-t-elle.
Croyance en Dieu
Sans trop s’en apercevoir, le sol se glisse doucement sous ses pieds, avec sa croyance en Dieu qui se dissout et la perte de sa concentration durant les cours. « J’etais preoccupee par quoi manger durant la journee et quels exercices pratiquer pendant le weekend (…). » A la recherche de la perfection absolue, elle ne pouvait se faire a l’idee « que quelqu’un puisse trouver un quelconque defaut dans mes etudes ou dans mon apparence physique a laquelle je n’avais jamais prete attention. Desormais, pendant chaque classe d’education physique, je me rappelais le besoin de perdre des kilos. ».
Ses devoirs et projets devenus pressants, elle trouve moins de temps pour ses exercices mais elle continue de plus belle a suivre son regime d’amaigrissement. « Je me trouvais toutes sortes d’excuses le matin pour ne pas manger, je ne prenais que quelques legumes au dejeuner et j’evitais le diner. J’allais m’endormir affamee et me reveillee grincheuse. Mon rapport avec mes parents devint complique. Eventuellement, je ne sortis plus et fus qualifiee de marginale. » Ce qui arriva etait previsible : « Le Dr Brown diagnostiqua lors de la deuxieme visite une anorexie mentale ».
Derive pathologique
Dans ce recit ou elle decrit la derive pathologique d’une lyceenne brillante, obsedee par les lignes de son corps, le lecteur ne manquera pas de dresser des similitudes entre l’auteure et son principal personnage. Meme college – https://datingmentor.org/fr/ourteennetwork-review/ le QEC, qui n’est pas nomme -, un frere medecin et la poursuite de l’obtention d’une bourse. D’ailleurs, Om Nath Varma, sociologue la decrit comme « une jeune auteure qui tire de son vecu les experiences d’une jeune adolescente en depression conjuguee a sa perception professionnelle en tant qu’etudiant et docteur en medecine. »
Mais Pouvani Devi Cudian recuse cette parente, preferant attribuer son recit a ses observations et son imagination. Toutefois, la description qu’elle fait du quotidien de ‘Lisa’, et les mots qui decrivent la lente descente de celle-ci sont trop pointus pour qu’on puisse croire un seul instant que le recit est le fruit de son imagination. Elle-meme issue de deux colleges – le deuxieme etant le QEC-, elle a ete temoin de la fameuse course effrenee aux bourses. « A y regarder de pres, je comprends que des parents soutiennent leurs gosses a rechercher cette bourse, compte tenu du cout des etudes a l’etranger. Ils veulent le meilleur pour eux. Puis, il y a bien une certaine fierte a se reclamer du QEC », admet-elle.
‘Rat race’
Mais la ou elle dresse la ligne, c’est au niveau de cette fragilite qui peut se rompre lorsque la ‘rat race’ est a son tour soumise a cette dictature imposee par la figure de la fille aux courbes parfaites, vehiculee par les reseaux sociaux. « Ce sont des pressions insoutenables, reconnait-elle, mais a la fin, il faut faire un choix. Comment y arriver lorsqu’on veut etre parfaite en tout ? », se demande-t-elle. Ce qui arrive a ‘Lisa’ est tout a previsible, mais ni ses parents ou ses profs ne se rendent pas compte qu’elle perd pied petit a petit. « Le milieu scolaire est sans doute le lieu privilegie ou se manifestent les premiers symptomes de l’anorexie, fait-elle observer. Mais de nombreux enseignants ne se formes a la psychologie, d’autres preferent s’en detourner le regard. Puis, un beau jour, le mal apparait au grand jour mais certains choisissent de le couvrir car les pathologies mentales restent encore un tabou. »