«Pas trop cuite, s’il vous plait»: Comment J’ai baguette francaise se ramollit (avec nous)

18/08/2022

«Pas trop cuite, s’il vous plait»: Comment J’ai baguette francaise se ramollit (avec nous)

SOCIETE Di?s Que les Americains denoncent la mollesse de nos baguettes, ils ne le font pas que pour nous enerver.

Francaises, Francais, rien ne va plus: la baguette est ramollo. Un texte du Wall Street Journal denoncant une perte de croustillance des baguettes francaises n’etait malheureusement jamais qu’une attaque facile des Americains contre les Frenchies et leurs pretentions gastronomiques: en boulangeries, la croustillance n’a plus la cote.

Une fracture sociale

«Huit fois sur dix, on me demande une baguette gui?re trop cuite», temoigne la vendeuse de la boulangerie Landemaine une rue de Clichy, un des dix meilleurs petrins de Paris. Dans votre boutique pourtant axee sur la specialite, ou Notre baguette parisienne d’origine reste vendue 0,95 euro, les clients n’ont d’yeux que pour la croute beaucoup blanche. Et ce n’est nullement une exception: «Le ramollissement une baguette est malheureusement une realite, commente Remi Heluin, blogueur pain-ssionne et fin observateur d’la vie d’la mie. Je le constate partout, le pain reste de moins en moins cuit: environ 20 minutes au lieu de 23 ou 24 necessaires.»

Gontran Cherrier, boulanger vedette parisien, avoue Realiser moins cuire la baguette blanche, «mais gui?re nos traditions, qui doivent etre croustillantes». Deux camps semblent donc se dessiner: les acheteurs de «traditions», plus cheres mais plus gouteuses et plus cuites, ainsi, les amateurs de baguette blanche. Une veritable fracture sociale, si l’on en juge par les observations de Yosuke, boulanger depuis cinq annees chez Landemaine: «Dans nos differentes boutiques a Paris, on constate que dans les quartiers de gourmets, on vend moins de baguettes molles». Comprendre les quartiers chics, bobos, bref financierement aises et souvent plus eduques au gout.

luvfree

Mes autres, habitues a avoir du pain chaud (et donc mou) toute la journee par les enseignes de boulangerie industrielle et les belles surfaces, se seront accoutumes a ce pain plus sucre, plus moelleux, et moins digeste et qui se conserve moins bien. Pourtant, l’illusion de pouvoir le consommer plus longtemps persiste: ainsi, une dame venue choisir le pain pour le dejeuner chez Landemaine nous confie preferer la baguette gui?re trop cuite car «s’il m’en est je la passe au grille-pain demain matin». «Si on des rechauffe un brin, les baguettes de supermarche ou decongelees sont mangeables et ceci cache le fait qu’elles n’ont ni gout ni consistance», deplore Remi Heluin, auteur du blog Painrisien.

«Bien entendu que ca me fait en gali?re au c?ur de moins cuire!»

De leur cote, les boulangers seront bien obliges de se plier aux attentes de leurs clients. «Ils repondent a une demande et se disent que au sein d’ un contexte tellement concurrentiel, on ne peut jamais prendre le risque de perdre une clientele. Donc ils abandonnent l’idee d’effectuer du pain bien cuit», poursuit Remi Heluin. Yosuke nous confie que Afin de lui, «le meilleur pain reste bien cuit»: «Bien entendu que ca me fait en gali?re au c?ur de moins cuire, mais ce n’est pas moi qui mange la baguette!»

Mais d’ou nous vient une telle l’envie de machonner du mou? En dehors de l’illusion qu’il se conserve plus, Remi Heluin estime que «nous sommes de plus qui plus est habitues a manger quelque chose de mou, de commode, a ne pas faire d’efforts». Il en veut Afin de preuve le succes croissant du pain de mie, «qu’on trouve meme maintenant sans croute!», s’exclame-t-il. En outre le pain chaud et mou, c’est reconfortant, c’est votre aliment «doudou» qui console et qui rechauffe le c?ur et l’ame. L’enfant au fond de nous souhaite d’une baguette blanche, tel pour nous rappeler moyen ou l’on lechait la cuillere de pate a gateau de maman.

Le souci, c’est qu’a force de repondre a des desiderata enfantins et a ne point defendre ce qu’ils estiment etre une vraie bonne baguette, les artisans boulangers «sont en train de scier la branche dans laquelle ils sont assis», redoute Remi Heluin: «S’ils veulent s’en sortir face au pain industriel, il va falloir continuer a faire preuve de passion et montrer qu’une bonne baguette a du gout, une croustillance et un interet gustatif.» C’est aussi une question de fierte nationale.